Vos prévisions pour 2013

Je vous ai interrogés sur Twitter pour connaître vos prévisions 2013 concernant l’édition et le numérique, vous promettant de commenter 10 de ces prévisions sur mon blog.

Je vais les commenter par ordre d’arrivée, la prime au plus réactif, à savoir Daniel Bourrion :

Prévision numéro 1 (Daniel Bourrion) : En 2013, les éditeurs traditionnels chasseront dans les blogs existants pour repérer des auteurs à intégrer dans leurs pools 2013.
Oui, en 2013, les éditeurs cessent d’ouvrir les lourdes enveloppes qui arrivent chaque matin au courrier. Au lieu de ça, ils affutent leurs agrégateurs, et s’abonnent aux mille et un blogs de la biblioblogosphère. Ils ne manquent pas une livraison des vases communicants. Lorsqu’ils découvrent un auteur qui leur plait, ils lui envoient un mail : j’aime beaucoup ce que vous faites, accepteriez-vous d’être publiés dans ma nouvelle collection ? Mais l’auteur ne leur répond pas. Parce qu’il s’est entraîné tout seul à fabriquer des epubs et qu’il vend désormais le recueil de ses billets à 2,99 € chez Amazon. Ou bien parce qu’il n’aime pas les éditeurs traditionnels (qui n’ont rien compris mais rien vraiment rien au numérique)  et a déjà signé un contrat moderne avec un éditeur pas traditionnel. Alors les pauvres éditeurs traditionnels sont obligés de se rabattre sur les pauvres auteurs pas modernes qui n’ont pas de blogs et envoient leur manuscrit par la poste.

Prévision numéro 2  (Daniel Bourrion) : en 2013, le prix Goncourt est décerné à un blog d’écrivain

Les débats ont été rudes. La vieille question de la définition du livre numérique a surgi dès le premier tour. On le sait grâce aux tweets de @bernardpivot, lors de leur déjeuner chez Drouant du 5 février 2013, les académiciens se sont mis d’accord sur celle-ci : « Un livre numérique est un livre, du moment qu’on peut le lire sur son Kindle. »  Ils avaient tous lu ce billet de François Bon, sur l’indication de Pierre Assouline, qui l’avait imprimé pour Edmonde Charles-Roux qui n’aime pas beaucoup lire des longs textes sur écran. Dès que cette définition a été connue, le nombre de blogs d’écrivains s’est mis à augmenter à grande vitesse. Certains ont adressé leur manuscrit presque terminé à des professionnels pour qu’il soit transformé en blog le plus vite possible. Je ne veux pas vous donner le nom de celui qui l’a finalement emporté, mais son éditeur a aussitôt proposé une version imprimée de son blog qui s’est vendue comme des petits pains, bien que le blog soit resté en accès libre.

Prévision numéro 4 (Luc Vigier) ; en 2013 le prêt de livres numériques se développe, ainsi que sa location.

Tout le monde a dit oui. Tout le monde. Les auteurs. Les éditeurs. Les bibliothécaires. Les collectivités locales. Le ministère. Et c’est parti. En 2013  les abonnés aux bibliothèques ont la possibilité d’emprunter beaucoup plus facilement et massivement qu’avant des livres numériques. Un super stress a disparu de la vie de quantités de gens : penser à rapporter leurs livres à la bibliothèque (ce qui veut dire d’abord : les retrouver dans la maison, j’étais sûre de l’avoir posé là, c’est ton frère qui l’a emmené chez Mamie, mince, il m’en manque encore un, c’était quoi déjà ?). Désormais, leurs livres numériques se rapportent tous seuls. Mais pour ne pas ce que ce soit trop brutal, un mail les prévient : dans deux jours, votre prêt arrive à échéance : désirez-vous le prolonger ?

Prévision numéro 5 (Luc Vigier) : en 2013 le web sémantique se développe. Désormais, vos phrases se finissent toutes seules.

Vous croyez que j’ai rédigé ce paragraphe ? Pas du tout. Je n’ai écrit que : « Vous croyez que… » et ensuite c’est ma nouvelle extension wordpress qui a pris le relais et s’est chargé d’écrire la suite. Sauf que là, maintenant, je la débraye, parce que j’aime aussi écrire un peu moi-même. Hubert, au secours, tu serais super sur cette prévision là, je sens que je vais aller traîner un peu sur La Feuille pour trouver des idées. Ou bien chez Christian. Lisez Christian Fauré, c’est des idées en veux-tu en voilà, et il utilise très peu l’écriture automatique, il est comme moi, il la débraye quasiment à chaque fois.

En réalité, les techniques d’écriture automatique ne semblent pas encore avoir atteint le degré de perfection espéré par ma paresse. Aujourd’hui les techniques de « content spinning » ne permettent pas de finir la phrase que vous avez commencée. Mais à partir d’une phrase « master », contenant une structure verbale et pour chaque mot de la phrase une liste de synonymes,  autorisent la production,  à partir d’une matrice, de plusieurs textes en agençant différemment les séries de mots proposé à chaque emplacement du texte. Le contexte d’utilisation du « content spinning » le place très loin des cent mille milliards de poèmes de Raymond Queneau et de tous les travaux oulipiens   : cette technique est en effet utilisée pour créer artificiellement des textes à partir d’un texte préexistant, et est destinée à tromper les robots des moteurs de recherche afin d’obtenir une meilleure indexation.

Sinon, pour comprendre ce qu’est le web sémantique dont parle Luc Vigier dans son tweet, il faut s’immerger dans les petites cases.

Prévision numéro 6  (Nevermore ) : En 2013, rares seront les éditeurs à garantir un accès numérique pérenne, librement cessible, à tout lecteur.

Voilà qui ne m’étonne pas de Nevermore, une prévision sophistiquée et un peu inquiétante. Si on le dit autrement, la plupart des éditeurs à qui vous achetez vos livres numériques ne peuvent vous garantir que vous y accéderez très longtemps, pas plus qu’ils ne peuvent vous autoriser à les revendre.

Parce que je n’ai pas le courage de me lancer sur le terrain très cahotique d’une analyse complexe (du type : quand vous achetez un livre numérique et que vous téléchargez un fichier, êtes vous propriétaire du fichier ou simplement d’une licence d’accès au contenu de ce fichier ? ), je proposerai plutôt une parade toute simple : achetez des livres imprimés. Ils seront à vous. Tout ce que vous pourrez craindre à leur sujet c’est qu’ils soient dérobés par des cambrioleurs, qu’ils disparaissent dans un incendie, tombent dans la baignoire, soient oubliés dans un train ou, plus probablement, qu’un ami très cher à qui vous les prêtez ne vous les rende pas. Vous pourrez les revendre si vous ne les aimez plus, ou bien si vous manquez de place chez vous. Aujourd’hui, des applications vous permettent de les mettre en vente sur le web en vingt secondes en scannant simplement leur code barre.

Noter tout de même que les éditeurs ne sont pas les seuls concernés par cette problématique. Certains revendeurs (parfois, on préfère ne pas écrire « libraires ») se sont illustrés dans leur capacité à intervenir sur la bibliothèque numérique de leurs clients sans leur demander leur  avis. D’autres ont fait faillite, sans possibilité pour leurs clients de conserver une possibilité de re-télécharger les livres achetés chez eux. Signaler  aussi : c’est l’un des axes de travail du projet MO3T, que de renforcer la pérennité de l’accès aux livres numériques.

Prévision numéro 7 (Cédric Naux) L’auto-édition fera une star et 1000 perdants

Cf prévision numéro 1

Prévision numéro 8 (Cédric Naux et Florence Trocmé)  : en 2013, les liseuses seront mises à mal par les tablettes, mais  resteront une niche pour gros lecteurs

Merci Cédric et Florence pour cette prévision qui reprend un des buzz de ces dernières semaines, et me rappelle la controverse du grille-pain, (un texte auquel je ne retirerais pas une virgule).

Une chose est certaine : aux Etats-Unis, le ralentissement de la progression de la part des livres numériques dans les ventes globales de livre a coïncidé avec les ventes de tablettes, et ce ralentissement s’est confirmé en 2013 : les gros lecteurs ont basculé les premiers, et se sont équipés massivement de liseuses. Ceux qui aujourd’hui s’équipent lisent moins, et préfèrent la tablette à la liseuse.

Lorsque un lecteur préfère s’équiper d’une tablette plutôt que d’une liseuse, c’est pour l’éditeur un défi plus grand : les livres, sur ces terminaux, sont en concurrence avec les jeux, les films, la musique, le web. Mais c’est aussi une opportunité : celle de pouvoir propose des livres en couleur dont le rendu était médiocre sur les liseuses, ainsi que des livres prolongés par de l’interactivité et des éléments multimédia. Maintenant, les liseuses possèdent des avantages qui les ont fait adopter par des millions de lecteurs : la légèreté, l’autonomie, le prix de plus en plus bas, la possibilité de lire au soleil. Il est possible que leur prix continue de baisser, et peu probable qu’elles disparaissent très rapidement. Puisque elles sont les compagnes des gros lecteurs, souhaitons leur longue vie. Et puis, elles portent un si joli nom ;)

prévision numéro 9 (Cédric Naux) : En 2013,  la distribution cherchera à sortir des griffes d’AGAK

Une prévision audacieuse serait : en 2013, la distribution réussira à sortir des griffes d’AGAK. (On se croirait dans Rudyard Kipling).  Les libraires, soutenus par les distributeurs et les éditeurs, se seront organisés pour développer un système très performant de vente de livres numériques offrant des avantages considérables si on le compare aux médiocres plateformes proposées par ces pauvres AGAK aux griffes usées. Toutes sortes de librairies numériques en ligne verront le jour, présentant, grâce à des métadonnées enrichies et des catégories détaillées,  une immense variété de livres numériques, pour tous les goûts, à tous les prix, lisibles sur tous les terminaux. C’est assez audacieux, d’accord. Pour les catégories détaillées : c’est possible dès maintenant, une nouvelle nomenclature enrichie est disponible sur le site de la CLIL. Pour le reste, on a dit 2013, il reste un (petit peu) de temps.

prévision numéro 10 (Cédric Naux) : en 2013, l’enrichi continue à se chercher un modèle

Je laisse tomber la fiscalité parce qu’autrement ça ferait 11 prévisions. (Ouf !).

Pour le livre enrichi, en 2013, avec l’arrivée massives des tablettes, nous verrons si :
– il existe une véritable appétence du public (autre que celui des tout petits) pour les livres enrichis ou augmentés, appelez-les comme vous voulez, (je ne peux pas non plus truster toutes les dénominations dans le domaine du livre numérique).
– il est possible de trouver des moyens de produire de tels livres à des coûts non prohibitifs
– les éditeurs se montrent dans ce domaine capables d’intégrer de nouvelles compétences, à même de mener à bien de manière régulière de tels projets, y compris en collaboration avec des start-ups spécialisées.
– de nouvelles générations d’auteurs ou des groupes d’auteurs multimédia apportent des projets tirant pleinement parti des possibilités d’un format comme l’EPUB 3, avec pertinence et talent.

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6 réponses à Vos prévisions pour 2013

  1. karl dit :

    En 2013, les amoureux du texte seront toujours les dindons de la farce économique.

  2. Silvae dit :

    du prêt numérique partout en bibliothèque ? C’est archi faux de dire que tout le monde à dit oui. C’est exactement le contraire. L’association CAREL a dit NON aux DRM donc non au prêt numérique ! Elle vient de faire des recommandation très claires => http://www.reseaucarel.org/page/recommandations-pour-le-livre-numerique-en-bibliotheque-publique

    Précisons que CAREL regroupe des collectivités territoriales, des bibliothécaires soucieux des droits des lecteurs et non pas des blogueurs hein…

    En 2013 si on arrêtait avec le prêt numérique et qu’on développait le streaming en bibliothèque avec des offres comme celle que l’Immatériel propose aux bibliothèques ?

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  5. Alain Pierrot dit :

    À propos de pérennité, @fbon m’a fait découvrir l’article suivant:

    http://jcgarnier.com/2013/01/14/tea-ou-mo3t-cest-pas-pareil/

    Bien intéressant, même si je pense que l’analyse mérite encore discussion en ce qui concerne les standards et l’interopérabilité.

  6. Le streaming en bibliothèque, je pensais qu’il existait déjà… pour le papier ;)

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